Journées sur l'architecture et la construction en terre crue à Montpellier le 23 et le 24 octobre 2019
Le programme des deux journées :
L'équipe présente de gauche à droite : J. Gerez, N. Buchez, M. Minotti et S. Guerin
"L’apparition et le développement de l’architecture en brique crue en Egypte au IVe millénaire
avant notre ère, quels processus ? réflexion à partir des découvertes récentes de Tell el-Iswid (chantier de l’Institut Français d’Archéologie Orientale dans le Delta oriental)"
Résumé :
Bien que l’Egypte pharaonique soit plus particulièrement connue pour son architecture de pierre, les constructions en brique y sont prédominantes et concernent tous les domaines. Or la documentation dont on dispose sur les périodes de formation de cette civilisation suggère que l’utilisation de la brique ne se généralise dans l’habitat qu’assez tardivement, dans le dernier quart du IVe millénaire. Cette documentation n’est pas en faveur d’une diffusion de la brique depuis le Proche-Orient avec le bagage néolithique. Elle n’est pas non plus en faveur d’une longue tradition d’utilisation du matériau terre sous une forme autre qu’en placage sur des armatures légères. Cela est vrai, que l’on regarde du côté de la Haute-Egypte (i. e. de la vallée du Nil) ou du côté de la Basse-Egypte (i. e. du Delta). Dès lors la question des mécanismes intervenant dans l’apparition et le développement de l’architecture de brique crue se posent avec acuité. Elle apparaît sur deux sites du Delta de façon synchrone et sous la forme de long murs d’enceinte constituées de briques moulées. Dans un contexte où les traditions constructives sont tout autre, on peut penser que la transmission de cette nouvelle technique est liée initialement à la circulation d’un savoir-faire impliquant celles d’individus. Les regards se tournent évidemment vers le Levant avec lequel la Basse-Egypte a connu des interactions continuelles, au moins depuis le PPNB. L’adoption de cette forme architecturale trahit probablement un moment de profonds bouleversements des sociétés de Basse-Egypte. En Haute-Egypte, et à peu près à la même période à notre échelle de résolution, ce sont des constructions a priori en brique modelée qui sont répertoriées, en soubassement d’unités monocellulaires sans doute liées à des activités qui dépassent le cadre strictement domestique. On a peut-être pour cette région une innovation qui intervient, là aussi, à un moment particulier, de transformations de l’économie de production. La brique crue prend ensuite, en relation avec le monde des morts, un essor dont on ne trouve pas en l’état des recherches l’équivalent en surface, dans le monde des vivants avant ce dernier quart du IVe millénaire où l’utilisation de la brique se généralise alors dans l’habitat au Nord comme au Sud, en Basse comme en Haute-Egypte. L’apparition et le développement de l’architecture de brique crue apparaissent étroitement liées aux mutations économiques et socio-culturelles de la seconde moitié du IVe millénaire qui débouchent à la charnière du millénaire suivant sur un Etat. Si les fouilles s’intéressant aux habitats prédynastiques se comptent toujours sur les doigts d’une main, on peut faire le constat d’un renouvellement de la documentation et des approches. La caractérisation des contextes techniques notamment permet d’aborder sous un autre angle les questions qui sont au coeur des débats concernant la formation de la civilisation Egyptienne (expansion de la culture du sud d’où sont originaires les premiers dynastes ? avec ou sans mouvements de population ?).
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